Rencontre avec… Lili-Anna Pereša
William St-Hilaire
Note aux lecteurs
L’entrevue qu’on va lire a eu lieu initialement en 2014. Lili-Anna Pereša était alors PDG de Centraide. Elle vient d’être nommée à tête de la Fondation McConnell, pour y poursuivre son parcours, son œuvre et sa mission. Nous avons cru bon de remettre de l’avant l’entrevue qu’elle nous accordait alors, car elle témoigne de la carrière riche et exceptionnelle d’une femme qui adore la lecture.

J’ai rencontré Lili-Anna Pereša, PDG de Centraide, parce que, depuis un bon bout de temps, le mot «générosité» m’obsède… au point de vouloir mettre ce mot devenu légèrement vintage au menu du Festival Metropolis bleu 2014, afin de lui redonner vie à l’intérieur de notre série «Idées et société». Pour construire ce volet, j’ai entrepris de rencontrer les gens qui FONT la générosité au Québec : les grands philanthropes, les gestionnaires de la bonté et du don de soi, les bénévoles engagés dans des causes touchantes, troublantes ou même perdues, et de même ceux qui écrivent dans la rue ou vendent des jonquilles au printemps.
Le mot «générosité» n’existe plus dans notre vocabulaire urbain et corporatif. Il a été remplacé par celui de «philanthropie». Ayant été élevée chez les religieuses, j’ai toujours eu un faible pour cette noble vertu, la plus noble selon moi. Puis, à force de tendre la main pour des organismes que je dirigeais, je me suis habituée au mot « mécénat », auquel j’ai même trouvé un côté romantique et délicieusement suranné. Actualisons donc notre vocabulaire. Aujourd’hui, la générosité reprend du service dans un concept plus structuré : celui de philanthropie. Véritable art social, la philanthropie fait de plus en plus partie du portfolio de tout cadre d’entreprise qui se respecte. Tout bien considéré, les gens qui défendent la culture du don méritent tous notre attention et le plus grand respect.
Un parcours époustouflant
La PDG de Centraide possède une feuille de route époustouflante – j’aurais presque envie de dire « essoufflant », puisque à peine avais-eu le temps de tout noter que notre entretien était déjà terminé. Lili-Anna Pereša se démarque en effet par un cheminement professionnel éclaté, qui épouse néanmoins une ligne directrice, car il est porté par une mission simple : ACCOMPAGNER… Ingénieure électrique de formation, cette blonde au regard couleur bleu ciel donne une impression de solidité et de pragmatisme, qui est bien celui des ingénieurs. Je la devine cérébrale, même si son parcours montre qu’elle est une femme de cœur et de convictions. Pour laisser toute la place à la femme et à la lectrice passionnée, permettez-moi maintenant de passer brièvement en revue son CV.
On la voit, en rafale, après un job confortable et prévisible chez Bell Canada, enchaîner les missions et les mandats, parfois en zone militarisée, pour diminuer la souffrance humaine. Après avoir tour à tour enseigné au Malawi, été coopérante-volontaire pour OXFAM au Burkina Faso, dirigé Amnesty International en France, été chef de mission en Croatie pour CARE (elle parle le croate couramment), Lili-Anna Pereša revient au pays pour diriger le Y des Femmes, les petits frères des Pauvres, Unicef Québec avant de prendre la direction de ONE DROP puis, finalement, celle de Centraide du Grand Montréal. Je rappelle que Lili-Anna Pereša n’a que 48 ans, ce qui augure d’une suite des plus prometteuses !
Lorsqu’elle parle d’elle-même, c’est avec une certaine retenue. On reconnaît l’ingénieure à l’œuvre, calme, posée, contenue, mais aussi d’une grande force. Le mot qui m’est alors venu à l’esprit, à moi l’impressionniste, tandis que je faisais cette entrevue avec Lili-Anna Pereša, c’est VOLONTAIRE. Je parierais que rien ne lui résiste…
La pauvreté n’est pas sexy…
Nous parlons de générosité, et ses premiers mots me plaisent beaucoup : « La pauvreté n’est pas sexy ! ». Diriger Centraide n’est pas aussi facile que je le pensais. Je me sens tout à coup bien candide… Personnellement, j’aurais pensé le contraire, j’aurais cru que lutter contre la pauvreté était l’ABC de toute démarche philanthropique, la priorité no1 de tout gouvernement, de toute société. Lorsque la pauvreté s’installe et perdure, elle engendre la maladie (physique et mentale), limite l’apprentissage, stigmatise l’individu et empêche toute transformation possible; elle réduit les forces vives qu’une société peut consacrer à la recherche, détruit la cohésion sociale en plus d’engendrer la violence… Si j’étais ministre de la charité, lutter contre la pauvreté est certainement la première cause à laquelle je m’attaquerais…
Lili-Anna Pereša reconnaît l’importance de changer d’abord le regard des gens pour changer les choses, notamment en ce qui a trait à la capacité de l’État de régler lui-même les problèmes de pauvreté. La lutte contre la pauvreté est l’affaire de tous, et chacun a la capacité d’agir pour y faire face.
Depuis son tout jeune âge, Lili-Anna Pereša est consciente des inégalités sociales ici et en Croatie, terre d’origine de son papa et qu’elle-même découvrira à 11 ans. Elle est restée marquée de cette visite – pas d’eau courante ni téléphone en Croatie à cette époque… et elle y trouvera une source d’inspiration pour son action future.
Vous connaissez la suite : notre jeune ingénieure prendra le taureau par les cornes et fera son affaire à elle de la justice sociale, de la lutte contre la pauvreté et de l’exclusion sociale.
Au sujet de Centraide
Même si elle est bien connue, il est utile de rappeler, je crois, de rappeler la mission de Centraide, : « Rassembler pour aider. Aider pour rassembler ». Chaque année, Centraide tient une vaste campagne de levée de fonds afin d’appuyer quelque 370 organismes qui rejoignent, ensemble, 500 000 personnes démunies.
Pour en savoir plus : http://www.centraide-mtl.org/fr/
La PDG lectrice
Quand elle n’est pas occupée à sauver le monde, Lili-Anna Pereša aime plonger dans un océan de livres. Passionnée de littérature, elle fait partie avec assiduité d’un cercle de lecture qui prend très au sérieux cette activité. Je l’ai invitée à nous faire découvrir quelques livres qui ont changé sa vie ou, du moins, qui l’ont marquée. Sa liste :
Émile Zola, Germinal et tous les romans de Zola
Léon Tolstoï, Guerre et Paix
Charlotte Brontë, Jane Eyre
Dominique Fortier, Du bon usage des étoiles
Daniel Pennac, La fée carabine