Dr Camillo Zacchia : créateur de lumière…
Le Dr Camillo Zacchia fait partie de ces gens dont le métier ou, pour ce qui le concerne, la vocation est de créer de la lumière pour les autres. Lorsque nous sommes incapables de voir la lumière qui se trouve au bout du tunnel, les Camillo Zacchia de ce monde ne ménagent pas leurs efforts pour la faire briller à nouveau, pour la refléter dans le miroir que nous sommes et pour nous permettre encore une fois de croire en l’avenir. Selon l’ancien psychologue en chef, aujourd’hui psychologue-conseiller principal au Bureau d’éducation en santé mentale de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, tout est affaire d’espoir et de perspectives.
Santé mentale et littérature : pourquoi ?
J’ai eu l’occasion de rencontrer le Dr Zacchia lors d’une réunion de production avec l’équipe de l’Institut universitaire Douglas lorsque nous avons décidé de consacrer un volet important des activités de la Fondation Metropolis bleu à la santé mentale et plus spécifiquement à la lutte contre les préjugés envers les personnes qui en souffrent. Que l’on pense notamment aux nombreux auteurs célèbres qui ont été marqués directement ou indirectement par des problèmes de santé mentale : de Virginia Woolf et William Styron en passant par Nelly Arcan et Émile Nelligan, leurs souffrances nous ont laissés des œuvres magistrales. Il y a plusieurs années, j’ai été moi-même confrontée, pour la première fois, aux questions liées à la santé mentale, et j’ai décidé d’écrire pour « contourner » ma propre souffrance. Les livres que j’ai publiés m’ont sauvé la vie. « Écrire pour guérir » s’est alors imposé dans ma tête, dans mon cœur, dans ma routine jusqu’au moment où une autre rencontre s’est produite. Cette fois, ce fut avec l’auteur Kenzaburo Oé que j’ai découvert par hasard dans ma bible sur les 501 auteurs incontournables, ouvrage paru chez Omnibus. Oé, dont le plus jeune fils était apparemment autiste, a publié plusieurs œuvres dans lesquelles la maladie mentale est le personnage central. Sa célèbre citation « J’ai survécu en transformant mes souffrances sous la forme de romans » donne le coup d’envoi officiel du volet « Santé mentale et littérature », un partenariat avec le Douglas menant à la création d’une série d’activités que vous aurez l’occasion de découvrir en 2013, en ligne et au Festival Metropolis bleu.
Camillo Zacchia : Intimidant d’abord, analytique, sensible et lumineux
J’ai d’abord été intimidée par le Dr Zacchia lorsque je l’ai rencontré. Est-ce le résultat de ma relation asymétrique avec les psychologues que j’ai fréquentés au cours de plusieurs années de thérapie ? Notre première rencontre, en groupe de travail, m’a laissé avec le sentiment d’être encore une petite fille bien dépourvue devant cet homme tout puissant, cette sommité à la carrure professionnelle imposante. Cette première impression a évolué fort agréablement lorsque j’ai rencontré le Dr Zacchia en tête à tête pour réaliser l’entrevue. D’une part, j’ai bien aimé être assise sur « l’autre chaise », puis nous avons eu le plaisir de parler de lui, ce qui m’a mené dans un univers fait d’idéaux, de passions analytiques, de questionnements, de remises en question, dans un univers sensible et empathique, avec en prime, un psychologue qui parle beaucoup (avouez que c’est rarement le cas!).
Camillo commence par s’excuser de ne pas lire beaucoup. Il se dépeint comme un lecteur occasionnel qui lit lentement. Un peu trop modeste, cher docteur, et l’entrevue ne fera que le constater l’importance de ses appétits littéraires… Il me parle de ses lectures phares comme Sa Majesté des mouches, de William Golding, et La Ferme des animaux, de George Orwell, qu’il a lu alors qu’il était encore enfant. Cette satire du communisme d’une certaine époque l’a profondément touché et lui a permis de révéler en lui l’idéaliste analytique qui n’aura de cesse, toute sa vie, de constater et de décrier les paradoxes des convictions humaines et de maudire les doubles discours politiques, les injustices sociales initiées trop souvent par des individus que le pouvoir aura transformé en bêtes de ferme…
George Orwell devient rapidement l’un de ses auteurs favoris, avec son incontournable 1984 et sa terrifiante chambre 101 dans laquelle se cache la pire chose au monde, ainsi que J. D. Salinger avec L’Attrape-coeurs, que M. D. Chapman avait sur lui au moment d’assassiner John Lennon. Le rapport entre les mots et la musique le passionne tout autant, notamment à travers les textes de Lucinda Williams et de Tom Waits, ou encore les albums Vietnam: Reflections et Vietnam: the Aftermath, de Billy Bang, tous deux inspirés par son expérience de la guerre au Vietnam. Quel est le dénominateur commun entre ces livres et ces chansons ? Les inégalités sociales, l’injustice et l’hypocrisie.
Ces tares humaines et civiles obsèdent déjà Camillo Zacchia lorsqu’à 16 ans il fait la promesse à son amoureuse de l’époque de devenir psychologue. Il tiendra sa promesse. Bien que ses parents, immigrants italiens ayant connu la guerre, n’aient pas eu une longue éducation et aient été presque analphabètes, Camillo mènera de très longues études. Sa curiosité, sa soif de justice et de réponses le mènent jusqu’au doctorat en psychologie. Il a tenté de m’expliquer patiemment ce qu’avait été l’objet de ses thèses. Je crois me souvenir qu’il a fait une thèse de maîtrise, puis celle du doctorat, mais c’était trop savant pour moi. Disons qu’il s’est penché, en neurophysique, sur le rôle de la sérotonine sur les effets de l’alcool et sur le comportement.
Quittons la science pour revenir aux livres qui l’ont marqué.
Camillo et son épouse ont quatre enfants, dont trois, adoptés, sont d’origine vietnamienne. Leurs photos, qui sont d’ailleurs partout dans le bureau de Camillo, ont capté mon attention dès mon arrivée. Je revois à nouveau le lecteur enflammé prendre la place du scientifique dès qu’on aborde une longue suite de biographies écrites par des victimes de la guerre du Vietnam ou des Khmers Rouges. Ses yeux brillent d’empathie pour la souffrance de ces peuples. Il raconte avec émotion les vies brisées mais résilientes dans Stay Alive My Son, When The War Was Over, Golden Leaf. Il me parle de Somaly Mam et de son récit The Road of Lost Innocence; puis s’installe alors un moment de silence que nous partageons avec une certaine gêne. Encore une fois, l’injustice et la cruauté humaine demeurent au centre de son attention littéraire.
« Ma mère pense que je suis étrange! »
Le temps file et je cherche à terminer cette rencontre sur une note plus légère.
« Une dernière question me brûle Camillo : « Êtes-vous étrange ? En fait, êtes-vous normal ? » Je n’ai pas pu résister! Question presque incontournable compte-tenu du titre de sa propre chronique dans le journal Métro où il signe de délicieux billets qui s’ajoutent à son blogue (http://blog.douglas.qc.ca/psychospeak/tag/camillo-zacchia/). « Ma mère pense que je suis étrange » est une chronique parue le 6 avril 2010, qui porte justement sur le concept de normalité et dont il a repris longuement le sujet dans son blogue du 3 mai 2010 (http://blog.douglas.qc.ca/psychospeak/2010/05/03/my-mother-thinks-im-not-normal/).
« En santé mentale, on parle avant tout de degré. Nous avons tous traversé des épisodes de tristesse ou de découragement. Nous sommes tous plus ou moins maniaques ou obsédés par des trucs. Il nous arrive tous d’avoir des conflits avec les gens de notre famille ou au bureau. Ce n’est qu’une question de degré. Être toujours en conflit, toujours déprimé, toujours triste n’est pas normal. »
Camillo conclut naturellement sur la valeur fondamentale qui l’anime et qui est à l’origine de son choix de vie et de sa carrière : le respect de l’individu. Pour respecter, il faut comprendre et accepter qu’il y ait toujours deux perspectives : la sienne et celle d’autrui. Deux perspectives indispensables pour lutter contre les préjugés en santé mentale vers cette tout aussi indispensable lumière qui brille au bout du tunnel…
Recommandations de lectures
Les Zacchia – des parents inspirants, un fils engagé
Je vous invite à découvrir des parents touchants, à la force de caractère hors du commun, dans un papier qu’a produit mon invité sur son blogue :
http://blog.douglas.qc.ca/psychospeak/tag/camillo-zacchia/.
Ne manquez pas les conférences du Dr. Camillo Zacchia et les différents panels, tables rondes et ateliers d’écriture que nous vous proposons dans le volet Santé mentale et littérature du Festival Metropolis bleu 2013 (du 22 au 28 avril 2013 à Montréal).