


Les oreillettes de Madeleine et Laurène
Un texte de Pascale Navarro
Quand on lit le mot « oreillettes », aujourd’hui, on a en tête de petits appareils à s’insérer dans les oreilles pour écouter ses succès préférés sur Spotify. Mais en fait, les oreillettes sont des pâtisseries. C’est l’une des recettes qui figure dans le livre fait main de ma cousine Laurène Martinez : La cuisine en famille. Elle y a réuni quelques-uns des plats qui font les délices de ses repas familiaux. La plupart de ces bonnes choses se sont souvent retrouvées sur notre table, puisque nous partageons elle et moi quelques aïeux et leurs traditions culinaires. Mystérieusement, je n’ai goûté qu’une fois à ces fameuses oreillettes, et j’étais petite fille. Mes parents en parlaient souvent, comme de leurs meilleurs souvenirs d’enfance. Ah! C’était délicieux, s’exclamait papa dans un sourire gourmand et rêveur. En fait, la seule fois où j’en ai vu sur notre table au Québec, chez nous, c’était celles que ma grand-mère maternelle avait confectionnées, alors qu’elle séjournait quelques mois avec ma famille. Comme nos grands-parents vivaient de l’autre côté de la grande mer, ce ne sont pas des week-ends qu’ils venaient passer chez nous, mais des saisons entières. Mes parents les leur ont toutes fait connaître, même l’hiver! Tous nés au soleil d’Espagne, du Maroc et d’Algérie, ils sont venus sentir le froid de l’hiver « canadien » et admirer la beauté de cette saison mal-aimée. Avec l’âge, ils préféraient l’été et surtout l’automne, qui est, pour les voyageurs, la plus belle saison à découvrir chez nous.
C’est donc lors d’un Noël avec mes grands-parents, Madeleine et Joseph, que je m’initiai aux oreillettes. C’est une sorte de beigne qui n’aurait pas gonflé, resté plat, à peine moelleux : et d’ailleurs, tout le secret tient dans ce moelleux discret, qui fait la magie de cette pâtisserie. Sa saveur exquise vient aussi de la cuisson par friture, ce qui, bien sûr, ne cadre pas avec un régime minceur, mais il est des circonstances où il faut savoir lâcher du lest sur nos polices intérieures. Vous faites d’abord une pâte que vous coupez en losanges. Vous les déposez dans la friture et quand ils sont cuits, vous les sortez de leur bain et, très vite, vous les saupoudrez de sucre. La famille s’est régalée de ces pâtisseries que je situerai entre le beignet pour sa fine tendreté, et l’oreille de crisse, pour son côté croquant. Encore une recette que je n’avais jamais faite, jusqu’à aujourd’hui. C’est décidé : ce sera lors de ce Noël 2020 sans retrouvailles familiales que je renouerai avec les oreillettes. Dans le livre de Laurène, il se trouve encore quelques plats dont j’avais entendu les noms, encore que vaguement (« Ah! Elle t’a fait les boulettes de morue! Tia vu comme c’est bon? », je vous ai mis l’accent de ma grand-mère, c’est mieux). Je me promets de les essayer, pour voir ce que la mémoire fera renaître en moi et pour me régaler!

Oreillettes de Madeleine
RECETTE DE LAURÈNE MARTINEZ

Ingrédients
250 g de beurre fondu
le zeste de 4 citrons
1 pincée de sel
2 cuil. à soupe de sucre
8 œufs
2 cuil. à soupe de fleur d’oranger
1 sachet de levure
1 kg de farine
Instructions
Battre les œufs avec le sucre
Ajouter le beurre fondu et refroidi, le sel et le zeste des citrons, l’eau de fleur d’oranger et, en dernier, la farine et la levure
Bien pétrir et laisser reposer au moins deux heures
Après ce temps de repos, prendre des morceaux de pâte, les étaler très finement, et y couper des losanges
Faire cuire à grande friture en les retournant jusqu’à ce que les oreillettes soient légèrement dorées
Saupoudrer de sucre quand elles sont encore chaudes.
Retrouvez Pascale Navarro et d’autres souvenirs culinaires de famille dans son dernier ouvrage:
La menthe et le cumin
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