
QUIZ!
De couleurs et de littérature

Journaliste, critique, chroniqueur, lauréat d’un prix Judith-Jasmin (1989), du prix Jules-Fournier (2002), du prix de la revue Moebius (2008), de la bourse Gabrielle-Roy (2010) et du prix Victor-Barbeau (2017), Robert Lévesque – qui a mené une carrière remarquée de critique dramatique au Devoir de 1981 à 1996 – est un essayiste. Il a publié des entretiens avec l’homme de théâtre Jean-Pierre Ronfard chez Liber en 1993, un carnet d’errance dans la France de 1995 chez LUX (Près du centre, loin du bruit), et, dans la collection Papiers collés chez Boréal, La liberté de blâmer, Un siècle en pièces, L’Allié de personne, Récits bariolés, Déraillements, Digressions, Vies livresques, Décadrages et Le lecteur impuni.
Il a créé en 2011 et dirige chez Boréal la collection d’essais Liberté Grande.
Dans la presse culturelle, il tient des chroniques littéraires au magazine Les Libraires «En état de roman» et aux revues Liberté «Le lecteur impuni» et L’Inconvénient «Ateliers».
QUESTIONS
1.
Dans Le Bateau ivre, Rimbaud accorde au mot azur une autre couleur que l’habituel bleu : « Et dès lors, je me suis baigné dans le poème / de la mer, infusé d’astres, et lactescent / dévorant les azurs […] ; » Quelle couleur lui choisit-il ?
A- les azurs roses
B- les azurs noirs
C- les azurs verts
2.
Paul-Émile Borduas, dans le texte du manifeste Refus global, énuméra une vingtaine de peurs dont le règne devait absolument cesser. Dans le lot, trois de ces peurs alignées (ou visées) par le peintre avaient (ou étaient) une couleur. Quel était donc ce chromatique trio de frayeurs à rejeter ?
A- peur mauve, peur grise, peur noire
B- peur bleue, peur rouge, peur blanche
C- peur verte, peur violette, peur noire
3.
Lors de la création du Misanthrope, Molière joua le rôle d’Alceste, qui hait les hommes mais aime la courtisée jeune veuve Célimène. Au dernier acte, un petit marquis lit un billet dans lequel Célimène commente les ridicules de ses soupirants. À propos d’Alceste, elle écrit qu’il la divertit avec son chagrin bourru mais qu’il est cent moments où elle le trouve le plus fâcheux du monde. Elle parle de lui en l’appelant « l’homme aux rubans ». De quelle couleur sont les rubans d’Alceste (une couleur qui, par ailleurs, sera longtemps bannie des scènes pour cause de superstition) ?
A- jaune
B- vert
C- caca d’oie
4.
Au premier livre de ses Essais, Montaigne élabore sa pensée « sur la coutume concernant la façon de se vêtir » et, remarquant que « les Français se vêtent d’habits aux couleurs variées », il note (dans une parenthèse) que, quant à lui, à l’imitation de son père, il ne s’habille guère que de… et de… Quelles étaient donc ces deux couleurs de vêtements dont les Montaigne père et fils se contentaient ?
A- « que de noir et de blanc ».
B- « que de gris et de noir ».
C- « que de brun et d’étoffes écrues ».
5.
Dans Un homme qui dort, Perec décrit (à la deuxième personne du singulier) ce qui arrive à un étudiant cessant soudain toute activité autre que lire, rêver, manger, marcher dans Paris et dormir dans sa chambre de bonne de la rue Saint-Honoré. À chaque réveil, il fait sa toilette dans le coin lavabo près duquel trois paires de chaussettes trempent dans une bassine de matière plastique… Le narrateur mentionne à treize reprises – comme un leitmotiv – la couleur de cette bassine de matière plastique… qui semble l’obséder. Quelle est-elle ?
A- turquoise
B- rouge vif
C- rose
6.
Dans Les Possédés (ou Les Démons), à la fin du chapitre intitulé « La confession de Stavroguine » (chapitre qui fut censuré à la parution en 1870 puis inséré en 1923), Dostoïevski fait dire à son personnage de quelle couleur était la maison de bois dans laquelle il a violé une fillette de Saint-Pétersbourg, qui s’est par la suite pendue sans qu’il intervienne pour l’en dissuader : « Elle était peinte en… »
A – « Elle était peinte en bleu pâle. »
B – « Elle était peinte en bleu foncé. »
C – « Elle était peinte en gris pâle. »
7.
En 1927, Valery Larbaud publie un ouvrage dont le titre est Jaune bleu blanc. Que signifiaient pour lui ces trois couleurs ainsi réunies ?
A- Elles étaient tout simplement ses couleurs préférées.
B- C’étaient celles du premier drapeau des Pays-Bas, le prinsenvlag.
C- C’étaient les couleurs des rubans avec lesquels il attachait ses manuscrits.
8.
Dans Le Fantôme des Canterville d’Oscar Wilde, la famille américaine, les Otis, qui vient d’acheter le domaine qui appartenait depuis trois siècles à la lignée aristocratique anglaise des Canterville, découvre d’abord, en s’y installant et avant d’avoir à affronter le fantôme qui y rôde la nuit, qu’une tache, qui s’avérera être une tache du sang de lady Eleonore de Canterville assassinée par son mari en 1575, marque le plancher de la bibliothèque. Le fils Otis la fera disparaître avec le super-détachant Pinkerton mais, les jours suivants, elle réapparaîtra. Wilde décrit avec minutie l’évolution des différentes et successives teintes du sang trois fois centenaire de lady Eleonore. De quelle couleur en quelle couleur évolue-t-elle ?
A- D’un brun roux à un noir de jais
B- D’un rouge sombre à un vert émeraude
C- D’un violet rougeâtre à un lie-de-vin
9.
Dans La Femme gauchère de Peter Handke, le fils de huit ans de cette femme, au début du roman, écrit une composition dans laquelle il a à expliquer comment il se figure une vie plus belle. Entre autres souhaits, il indique qu’il voudrait que toutes les maisons soient peintes de la même couleur. Laquelle est-ce ?
A- blanche
B- orangé
C- rouge
10- Mon père a voulu tuer ma mère un dimanche de juin, au début de l’après-midi. C’est l’incipit de La Honte, le récit d’Annie Ernaux où elle retrace ce lointain souvenir sur un ton détaché. Elle avait 12 ans, revenait de la messe, « j’ai enlevé mes affaires du dimanche et enfilé une robe se lavant facilement ». Le drame éclate au milieu du repas, le père en furie empoigne sa femme et la traîne à la cave, celle-ci hurle et la fillette, paniquée, réfugiée dans sa chambre, va finalement descendre et voir son père brandir devant le visage de sa mère une serpe à couper le bois. Plus loin dans le récit, elle écrit : « Je suis sûre que je portais ma robe… … …, parce que les deux étés où j’ai continué à la porter, je pensais au moment de la renfiler : c’est la robe de ce jour-là. » Comment la décrit-elle ?
A- ma robe bleue à pois blancs
B- ma robe à carreaux rouges et verts
C- ma robe en jersey de coton écru
11.
Dans La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, son fameux poème écrit en 1913, le Suisse Blaise Cendrars, de façon inopinée et inattendue, accorde et qualifie une couleur qui serait celle des romans français de par le monde. Le vers surgit ainsi : « […] la fière couleur des romans de la France à l’étranger. » Quel était donc cette altière, orgueilleuse ou arrogante couleur ?
A – « Blanche la fière couleur des romans de la France à l’étranger. »
B – « Jaune la fière couleur des romans de la France à l’étranger. »
C – « Garance la fière couleur des romans de la France à l’étranger. »
12.
Quelle est la couleur du petit paravent derrière lequel, dans un bureau de huissiers à Wall Street, le scribe Bartleby, imaginé par Herman Melville, copie des actes, refuse tout autre travail que lui demande son patron (disant : I would prefer not to… ) et ne se nourrit que de biscuits au gingembre ?
A- vert
B- noir
C- gris souris
13.
Dans À rebours, l’inoubliable jouisseur décadent et neurasthénique qu’est Jean des Esseintes, ce personnage hors du commun créé par le romancier Joris-Karl Huysmans en 1884, passe longuement en revue la série des couleurs, des tons et des nuances avec lesquels il va décorer sa maison acquise à Fontenay-aux-Roses. Après en avoir éliminé tant et plusieurs, il en arrête trois, mais il en est une qu’il dira être sa préférée et qu’il présente ainsi : « cette couleur irritante et maladive, aux splendeurs fictives, aux fièvres acides : … … » Quelle est cette couleur qui serait à la fois choquante, splendide et fiévreuse ?
A- le jaune saumon
B- l’orangé
C- le vert empereur
14.
Colin a rendez-vous avec son pote Chick au troisième chapitre de L’Écume des jours. Il va le rejoindre à la piscine Molitor qui, l’hiver, se transforme en patinoire. En sortant du métro, afin de s’orienter, il cherche la direction du vent en tendant au bout d’un bras un mouchoir de soie dont la couleur, « emportée par le vent », va se déposer « sur un grand bâtiment, de forme irrégulière, qui prit ainsi l’allure de la patinoire Molitor ». Quelle est la couleur volante que Boris Vian donne au mouchoir de Colin ?
A- le jaune
B- le rose fuchsia
C- l’orange
15.
À 19 ans, Marcel Proust répondit à un questionnaire qui allait plus tard – une fois la Recherche parue – devenir célèbre sous le nom de « questionnaire Proust ». À la question « Quelle est votre couleur préférée ? », que répondit-il ?
A- « Celles, blanche et rose, des aubépines du jardin de tante Léonie à Illiers. »
B- « Le jaune d’un petit pan de mur aperçu dans Vue de Delft, le tableau de Vermeer. »
C- « La beauté n’est pas dans les couleurs, mais dans leur harmonie. »
RÉPONSES
1.
C : « dévorant les azurs verts ».
2.
B : peur bleue, peur rouge, peur blanche.
3.
B : « l’homme aux rubans verts ».
4.
A : « que de noir et de blanc ».
5.
C : « une bassine de matière plastique rose ».
6.
A : « Elle était peinte en bleu pâle. »
7.
C : C’étaient les couleurs des rubans avec lesquels il attachait ses manuscrits.
8.
B : D’un rouge sombre à un vert émeraude.
9.
C : rouge.
10.
A : ma robe bleue à pois blancs.
11.
B : « Jaune la fière couleur des romans de la France à l’étranger. »
12.
A : vert.
13.
B : l’orangé.
14.
A : jaune. La couleur originelle de la piscine Molitor, ouverte en 1929, était d’un jaune que les Parisiens qualifiaient de jaune tango.
15.
C : « La beauté n’est pas dans les couleurs, mais dans leur harmonie. »