
AU-DELÀ DE DISNEY
Par LINDA AMYOT
Il était une fois… Il y a très longtemps… Dans un pays lointain vivait autrefois… Au temps où les animaux parlaient… Chaque fois qu’on les lit, chaque fois qu’on les dit, ces formules consacrées ouvrent tout un monde.
Les contes merveilleux ont bercé notre enfance, celle de nos enfants et de nos petits-enfants, et nous pouvons parier qu’ils continueront à ravir les futures générations. Grâce à Disney? Sans doute, bien que la sauce Disney, aussi vivante et animée soit-elle, s’avère souvent édulcorée. Grâce aussi à la poupée Fanfreluche personnifiée par la géniale Kim Yaroshevskaya sur les ondes de Radio-Canada dans les années 1970, aux éditeurs comme Auzou qui continuent de publier les contes de Perreault, Andersen ou Grimm en version intégrale, et grâce aux nombreux auteurs, tels Caroline Merola, André Marois, Johanne Gagné ou encore Daniel Laverdure qui ont pris plaisir à revisiter les contes classiques ou à relancer Cendrillon, le Petit Chaperon rouge ou Blanche-Neige dans de nouvelles aventures.
Charles Perreault, à qui sont attribués les premiers contes merveilleux au 17e siècle, ne s’offusquerait assurément pas de cette réappropriation contemporaine. Chargé de la politique artistique et littéraire du Roi Soleil, Louis XIV, il mena à la tête des Modernes ce qu’on a appelé la querelle des Anciens et des Modernes. Tandis que les premiers affirmaient que rien ne pouvait être inventé depuis l’Antiquité qui représentait à leurs yeux la perfection artistique, les Modernes défendaient l’innovation et une modernité pourtant puisée au cœur des traditions.
Les contes, qu’ils s’adressent aux enfants ou aux adultes, émanent en effet de la culture populaire orale, transmise de génération en génération, et qu’on trouve dans tous les pays du monde. Celle des villageois rassemblés au salon ou autour du feu quand tout à coup un Michel Faubert ou un Fred Pellerin d’autrefois s’installe : « M’en va vous conter une fameuse histoire qui est arrivée à… ». Et soudain le diable et le loup-garou se glissent dans la veillée. Ailleurs, en Haïti par exemple, le conteur lance un « Cric! » auquel l’auditoire répondra par un « Crac! », et voilà que la ronde commence avec les aventures de Ti-Jean.
De nombreux chercheurs et spécialistes ont fait des contes l’objet d’études approfondies. Ainsi, par exemple, le célèbre psychologue américain d’origine autrichienne Bruno Bettelheim, la psychologue suisse Marie-Louise von Franz, proche collaboratrice de Gustav Jung, de même que les écrivains français Anne-Marie Garat et Pierre Péju s’y sont intéressés de près. Pour sa part, Vladimir Propp a publié une étude sur la morphologie du conte vers la fin des années 1930. Selon le professeur d’université et folkloriste russe, ce type de récit obéit toujours à un même schéma en cinq étapes : 1) une situation initiale présentant les personnages, leurs caractéristiques et les conditions dans lesquelles ils vivent, situation suivie 2) d’un élément extérieur qui vient perturber ou déclencher l’action 3) c’est-à-dire une série d’aventures où s’accumulent épreuves, embûches et revirements 4) jusqu’à ce qu’un personnage, une action ou un événement y mette fin 5) créant ainsi une nouvelle situation stable et heureuse dans la majorité des cas. Dans les rôles principaux, on retrouve le héros ou l’héroïne, son allié et son ennemi ainsi que d’autres alliés et ennemis ponctuels pouvant surgir au cours des aventures. Une description qui ressemble beaucoup, n’est-ce-pas? à d’autres genres littéraires : le roman policier, la science-fiction, le fantastique, l’horreur. Sans parler des westerns et des comédies romantiques à saveur hollywoodienne.
Dès le samedi 30 janvier, dans le cadre de son spécial Contes et chocolat chaud, le Festival des enfants TD Metropolis bleu vous propose sur son site quatre contes interprétés par des comédiens professionnels. Vous et vos enfants pourrez ainsi redécouvrir l’ingéniosité d’Hansel et Gretel des frères Grimm, rigoler franchement de la bêtise du tigre des Contes vietnamiens, admirer la ténacité du chasseur innu des Contes autochtones et le courage du jeune pêcheur irlandais de The House on the Lake.
Un choix de Contes haïtiens de même que Les musiciens de Brême, des frères Grimm, seront aussi offerts dans le cadre de notre programme spécial présenté sous le titre Détente et fou rire, pendant la semaine de relâche scolaire, sans compter la présence virtuelle de Daniel Laverdure, auteur de La belle au bois ronflant et de toute une collection de contes classiques revisités. Comme dans les années antérieures, en avril 2021, nous collaborerons au charmant festival de contes pour la jeunesse Festilou de Montréal au cours duquel des conteurs viendront enchanter petits et grands.
Et entretemps, si vous et vos enfants croyez tout savoir sur le Chat botté, le Grand Méchant Loup ou les Trois Petits Cochons, amusez-vous à répondre aux questions de notre quiz «Connaissez-vous vos classiques?» Vous aurez peut-être des surprises… C’est sur notre site, dans l’Espace Quiz : www.metropolisbleu.org/quiz/
Linda Amyot est rédactrice, scénariste, recherchiste et écrivaine. Elle anime également des ateliers d’écriture. Depuis 2004, elle a publié trois romans, un recueil de nouvelles et deux romans jeunesse chez Leméac, de même que deux albums illustrés pour les enfants aux éditions du Soleil de Minuit. Son roman La fille d’en face a remporté le Prix TD de littérature pour l’enfance et la jeunesse et le Prix des libraires en 2011; son roman Le jardin d’Amsterdam a reçu le Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal et le Prix du Gouverneur Général 2014.
