
Les littératures autochtones dans le monde de l’édition au Québec
Florence Fontaine
Les littératures autochtones au Canada sont encore jeunes comparées aux littératures qui nous viennent du vieux continent. Si elles sont très étudiées au Canada anglophone, elles commencent à se faire une place significative dans la recherche littéraire de langue française au Québec. Le monde de l’édition suit un mouvement semblable. De plus en plus de maisons d’édition québécoises de langue française – Leméac Éditeur, les éditions XYZ, les éditions de la Pleine Lune – s’intéressent aux auteurs et aux autrices autochtones. Cependant, ces écrivains et ces écrivaines ne représentent qu’une faible partie du catalogue de ces maisons. Il en va autrement dans certaines autres maisons d’édition québécoises qui se distinguent en accordant une place plus importante aux littératures autochtones (par exemple, Mémoire d’encrier), quand elles n’y consacrent pas la totalité de leurs catalogues (par exemple, Hannenorak).
Richard Wagamese, Cheval Indien, éditions XYZ, 2017
(traduit de l’anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné)
Mémoire d’encrier et les auteurs autochtones
An Antane Kapesh, Eukuan Nin Matshi-Manitu Innushkueu/Je suis une maudite sauvagesse, Mémoire d’encrier, 2019 (Leméac, 1976, pour la première édition) (traduit de l’innu par José Mailhot)
Mémoire d’encrier est une maison d’édition qui a été fondée en 2003 à Montréal. À travers un catalogue diversifié, aussi bien du point de vue des genres littéraires que de l’origine des auteurs, cette maison d’édition veut faire entendre des voix littéraires authentiques, les rendre plus visibles et encore plus vivantes. Elle cherche à montrer la diversité culturelle qui existe dans le monde, en Amérique du Nord, au Canada, au Québec, et à Montréal, afin de créer des passerelles entre les cultures, de manière à rapprocher les peuples. Mémoire d’encrier a ainsi l’ambition de « rassembler les continents et les humains pour repousser la peur, la solitude et le repli pour pouvoir imaginer et oser inventer un monde neuf » (cf. site internet de l’éditeur). Chez Mémoire d’encrier, le maître-mot est «diversité». La maison d’édition publie en effet des auteurs et des autrices originaires de plus de vingt-cinq pays. Publier des écrivains et écrivaines autochtones est donc en accord avec le but qu’elle s’est fixée. Mémoire d’encier publie environ une vingtaine d’auteurs et d’autrices autochtones originaires de différentes communautés au Québec, ainsi qu’au Canada anglophone. Elle publie des auteurs et autrices autochtones déjà bien établis dans le paysage littéraire autochtone et dont la réputation n’est plus à faire, comme Joséphine Bacon (Innue de Pessamit), An Antane Kapesh (Innue), Thomas King (Cherokee) ou Lee Maracle (Stó:lō). Elle publie également les auteurs et autrices de la relève, comme Naomi Fontaine (Innue de Uashat), Natasha Kanapé Fontaine (Innue de Pessamit) ou Leanne Betasamosake Simpson (Michi Saagiig Nishnaabeg). On le voit : les communautés autochtones sont diverses.
Leanne Betasamosake Simpson, On se perd toujours par accident, Mémoire d’encrier, 2020 (traduit de l’anglais par Natasha Kanapé Fontaine et Arianne des Rochers)
Les éditions Hannenorak
Les éditions Hannenorak ont été fondées en 2010, dans la communauté de Wendake, par deux Wendat, Jean Sioui, auteur, et Daniel Sioui, propriétaire de la librairie Hannenorak. Comme je l’ai écrit plus tôt, les auteurs autochtones n’occupent qu’une part négligeable des catalogues des maisons d’éditions euro-américaines. Les auteurs autochtones avaient donc besoin d’un lieu éditorial qui leur soit dédié, d’où la création des éditions Hannenorak. L’équipe éditoriale étant composée d’Autochtones, ceux sont plus enclins à se montrer attentifs aux spécificités culturelles des Premières Nations d’où sont issus les auteurs. L’objectif de la maison d’édition est de « promouvoir la culture, les traditions, les récits cosmogoniques, les enjeux des peuples autochtones, leur permettant de s’exprimer sur ce qui constitue le fondement de leur identité distincte » (cf. site internet de la maison d’édition). Les éditions Hannenorak veulent présenter le vrai visage littéraire et culturel des Premières Nations. Pour ce faire, elles publient aussi bien de la poésie que du théâtre, des romans que des essais, ainsi que de la littérature jeunesse. De plus, certains ouvrages publiés peuvent l’être dans des versions différentes : française, anglaise ou dans une langue autochtone.
Louis-Karl Picard-Sioui, Chroniques de Kitchike : la grande débarque, éditions Hannenorak, 2017
Enjeux écologiques du 21e siècle + enjeux autochtones = éditions Kata
Les éditions Kata sont une jeune maison d’édition qui a été créée il y a quelques mois à Montréal. Son objectif : parler des enjeux écologiques du 21e siècle et ceux qui touchent les peuples autochtones, et cela au moyen d’albums et de romans graphiques destinés aux enfants de 4 à 14 ans. Pour le fondateur des éditions Kata, Luca Palladino, le sort des autochtones est en partie lié aux enjeux environnementaux, d’où la mission que se sont donnée les éditions Kata, à savoir porter à l’avant-scène les enjeux environnementaux et autochtones de notre siècle, y sensibiliser les jeunes dans l’espoir que, demain, ceux-ci contribuent à changer la situation.
Le deuxième titre publié aux éditions Kata, par ailleurs premier d’une autrice autochtone, est La croqueuse de pierres de Louise Flaherty. Ce livre a paru initialement aux éditions Inhabit Media, première maison d’édition indépendante inuite établie dans le Nunavut. Son objectif est de promouvoir et de préserver les histoires, les connaissances et les talents de l’Arctique. Je vous conseille d’aller faire un tour sur son site internet (https://inhabitmedia.com), où vous trouverez des livres pour grands et petits, en inuktitut, en français et en anglais.
Louise Flaherty, La croqueuse de pierre, éditions Kata, 2020 (illustrations de Jim Nelson)