
À ses débuts, la littérature autochtone était principalement faite de poésie et de théâtre, formes littéraires qui rappellent la tradition orale, performance par laquelle les différents peuples autochtones transmettent depuis des siècles leurs histoires aux générations suivantes. Puis, les écrivaines et écrivains autochtones se sont mis à écrire des essais et des récits autobiographiques, afin de donner leur version de leur propre histoire. Aujourd’hui, la littérature autochtone s’attaque à tous les genres littéraires, aussi bien le roman historique que la bande dessinée en passant par la littérature jeunesse et la littérature érotique, voire au roman policier. C’est ce dernier genre littéraire que je vous propose de découvrir aujourd’hui à travers trois ouvrages écrits par des écrivains et écrivaines autochtones de différentes nations.
De Vengeance de J. D. Kurtness
Avec De Vengeance, la jeune écrivaine d’origine québécoise et innue, Julie Kurtness, signe son premier roman. Celui-ci a fait une entrée remarquée dans le monde de la littérature puisqu’il a remporté les Indigenous Voices Awards (prix Voix autochtones) 2018 dans la catégorie meilleur texte en prose écrit en français par un écrivain autochtone émergent. Le roman a reçu aussi le prix Découverte du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean 2018 et le prix Coup de cœur des amis du polar 2018 décerné par la Société du roman policier de Saint-Pacôme. De Vengeance est en quelque sorte le journal intime d’une tueuse en série assez désopilante, à l’écriture ciselée et à l’humour particulier. L’histoire commence lorsque la narratrice n’a que 12 ans, et qu’elle tue accidentellement un de ses camarades de classe. Elle ne s’arrêtera pas là, car la narratrice qui fait tout pour être aussi discrète que possible ne supporte pas les personnes qui, selon elle, dénaturent le monde, tels les violeurs, les pollueurs, les profiteurs et les hypocrites. Les sujets et les individus qui l’irritent sont nombreux.
J D. Kurtness, De Vengeance, L’Instant même, 2017
Ligne brisée de Katherena Vermette
Ligne brisée raconte la violente agression d’une jeune adolescente métisse survenue dans le quartier North End, à Winnipeg. Cette agression aura des répercussions sur toute la communauté. Au fil du récit, en effet, toutes les personnes liées de près ou de loin à l’affaire se montrent désarçonnées face à la tournure prise par les évènements. Avec ce polar, l’autrice d’origine métisse Katherena Vermette traite du racisme systémique dont sont victimes les femmes autochtones à travers l’histoire de plusieurs générations. La ligne brisée de ces destins de femmes forme alors un arbre généalogique aux racines profondément ancrées dans le territoire du Manitoba. Même si le roman montre des femmes autochtones vulnérables, il montre surtout la force et la résilience dont celles-ci sont capables.
Katherena Vermette, Ligne brisée, Québec Amérique collection Latitudes, 2017 (traduit de l’anglais par Mélissa Verreault)
Indian Killer de Sherman Alexie
À Seattle, un tueur en série terrorise la ville. Il s’en prend à des Blancs, les scalpe et laisse deux plumes de hibou sur leur corps, faisant ainsi porter les soupçons sur la communauté autochtone de la ville. Dans le même temps, un jeune autochtone adopté par un couple de Blancs part à la recherche de ses racines et sombre dans la folie. Dans Indian Killer, Sherman Alexie fait le procès d’une société américaine minée par la discrimination et il s’interroge sur la condition humaine, l’identité et la haine de l’Autre. Sous la plume de Sherman Alexie, tous sont coupables, que ce soit les Blancs avec leurs préjugés, leur culpabilité et leurs points de vue arrêtés; ceux qui se cherchent et revendiquent à tout prix des racines autochtones; ou encore ceux qui adoptent des enfants autochtones et, au motif de vouloir les comprendre, mettent toutes les cultures des Premières Nations dans le même sac. Les autochtones eux-mêmes n’échappent pas à la plume acérée de l’auteur. Sherman Alexie a un style percutant et un humour décapant qui sauront plaire aux lecteurs.
Sherman Alexie, Indian Killer, Albin Michel collection Terres d’Amérique, 2014 (traduit de l’anglais par Michel Lederer)