
Metropolis Bleu et la littérature autochtone
Florence Fontaine
Si tout s’était passé comme prévu, cette semaine se serait achevé le Festival littéraire international Metropolis Bleu. Malheureusement, la crise sanitaire actuelle a obligé les organismes à annuler leurs évènements culturels, artistiques, sportifs et autres. Je profite donc de l’occasion pour proposer une rétrospective du festival et montrer l’implication de Metropolis Bleu dans l’univers de la littérature autochtone.
Depuis plusieurs années maintenant, le Festival littéraire international Metropolis Bleu compte un volet « Littératures et langues autochtones ». Outre sa programmation en salles (tables rondes, rencontres d’auteurs, etc.), celui-ci est composé, entre autres éléments, d’un prix littéraire, le Prix des premiers peuples Metropolis Bleu, et de deux bourses d’excellence remises à des étudiants en études autochtones dans l’une ou l’autre des universités canadiennes. Ces initiatives ont pour but de faire découvrir la richesse du monde littéraire autochtone et de donner aux voix qui le composent un lieu supplémentaire où s’exprimer. Les littératures autochtones font entendre des voix trop longtemps passées sous silence et elles invitent à jeter un regard nouveau sur l’histoire du Canada et sur celle des Premiers Peuples. À cet égard, je ne peux que vous recommander l’essai de Thomas King, L’Indien malcommode, traduit en français.
Thomas King, L’Indien malcommode : Un portrait inattendu des Autochtones d’Amérique du Nord, Boréal, collection Boréal Compact, 2017 (traduit de l’anglais par Daniel Poliquin)
Le Prix des Premiers Peuples Metropolis Bleu
Créé en 2015, le Prix des Premiers Peuples Metropolis Bleu récompense un auteur ou une autrice autochtone pour la qualité de son œuvre. Il a pour objectif d’aider à accroître la visibilité des écrivains et écrivaines autochtones et, par conséquent, des littératures autochtones, au niveau national et international. Depuis maintenant quatre ans, le jury du prix est d’ailleurs entièrement autochtone (écrivains, écrivaines, critiques ou professeurs). Le lauréat 2020 sera annoncé lors de l’édition 2021 du festival littéraire international Metropolis Bleu. D’ici là, je vous propose de découvrir ou de redécouvrir les lauréats des années précédentes par le biais de leurs livres.
Lauréate 2019 : Therese Marie Mailhot
Therese Marie Mailhot, Petite Femme Montagne, Marchand de Feuilles, 2019
(traduit de l’anglais par Annie Pronovost)
Lauréate 2018 : Lee Maracle
Lee Maracle, Le chant du Corbeau, Mémoire d’encrier, 2019
(traduit de l’anglais par Joanie Demers)
Lauréat 2017 : David Treuer
David Treuer, Et la vie nous emportera, Albin Michel, collection Terres d’Amérique, 2016
(traduit de l’anglais par Michel Lederer)
Lauréat 2016 : Thomas King
Thomas King, L’herbe verte, l’eau vive, Boréal, collection Boréal Compact, 2011
(traduit de l’anglais par Hugues Leroy)
Lauréate 2015 : Marie Annharte Baker
Annharte, Indigena Awry, New Star Book, 2012
(édition originale en anglais; non traduit en français)
La Bourse d’excellence en études autochtones
Créée en 2018, la bourse d’excellence en études autochtones récompense chaque année deux étudiants, un francophone et un anglophone, inscrit dans un programme d’études ou de littératures autochtones dans l’une ou l’autre des universités canadiennes. Chaque candidat écrit un court essai sur un thème imposé (en 2020 : «Que veut dire une société juste? »), l’essai devant apporter un éclairage à la fois personnel, critique et politique du sujet.
Les lauréats de l’édition 2020 sont Juhnke Peyton de University of New-Brunswick, du côté anglophone, et Émilie Sarah Caravecchia de l’Université de Montréal, du côté francophone.
Entretien avec Émilie Sarah Caravecchia, gagnante francophone de la bourse d’excellence en études autochtones Metropolis bleu, édition 2020
Au sujet de la bourse, Émilie Sarah Caravecchia commente : « C’est une tribune de plus pour amener les non autochtones à comprendre l’importance des autochtones sur la Terre et sur le territoire, de comprendre ce qu’on leur a fait sans pour autant pratiquer l’auto-flagellation, de réfléchir à la manière de se tourner ensemble vers l’avenir sans répéter les erreurs du passé. » L’étudiante ajoute que le fait de participer à ce concours d’essais l’a fait réfléchir sur la manière d’utiliser sa position de privilégiée, c’est-à-dire de femme blanche, pourvue d’une situation stable et appartenant aux classes dominantes de la société, pour porter la voix de l’Autre, en l’occurrence les voix autochtones, sans pour autant parler à leur place; à réfléchir sur la manière de mettre en valeur leur travail sans pour autant se l’approprier. Je la rejoins sur ce point : la littérature est une fenêtre sur la société; elle nous permet de voir le monde à travers le regard de l’autre. Les prix littéraires, tel le Prix des premiers peuples Metropolis bleu, les bourses d’excellence en études autochtones et d’autres initiatives, permettent d’engager la conversation, de tisser des liens, d’accroître le réseau des gens intéressés par les littératures autochtones. Ces initiatives permettent aussi de jeter des ponts et de mettre ainsi les littératures, les cultures et les réalités autochtones sur le devant de la scène encore un peu plus.
Les recommandations de lecture d’Émilie Sarah Caravecchia :
Yolande Picard, Les 13 lunes d’Okia, Hannenorak, 2019 : recueil dans lequel l’autrice, d’origine wendate, a regroupé des contes et des légendes issus des récits traditionnels wendate, crie, ojibwé.
Christine Sioui Wawanoloath, Tsoutare’ : sept histoires contemporaines, Hannenorak, 2019 : l’autrice, d’origine abénakise et wendate, propose sept récits issus de la tradition orale, mais ancrée dans le monde moderne.
Walter Scott, Wendy, Mécanique générale, 2019 : roman graphique où l’auteur propose une vision satirique et irrévérencieuse de l’hypocrisie qui règne trop souvent dans les relations humaines et dans le milieu de l’art contemporain, tout en montrant l’importance de l’amitié féminine et de l’activité créatrice.
Obom, J’aime les filles, Oie de Cravan, 2014 : BD où Diane Obomsawin (Obom), d’origine abénakise, parle avec talent et tendresse de l’homosexualité, de la peur du rejet qui y est lié, et de la confusion des sentiments à la découverte de son orientation sexuelle.