Pour mémoire : écrivaines pour la liberté
Samedi 14 novembre 2020, 18h30
Les lectrices: Martine Audet, Germaine Beaulieu, Denise Desautels, Louise Dupré, Dominique Gaucher, Laure Morali, Diane Régimbald, Lori Saint-Martin, Élise Turcotte
Les écrivaines lues (notices bio ci-dessous) : Maram al-Masri (Syrie-France), Leanne Betasamosake Simpson (autochtone Michi Saagiig Nishnaabeg, Wingham, Ontario), Tanella Boni (Côte d’Ivoire, 1954- ), Marianne Cohn (Allemagne 1921-Haute-Savoie 1944), Monique Bosco (Autriche-Québec), Asli Erdogan (Turquie, 1967), Toni Morrison (États-Unis, 1931-2019), Marie Vieux-Chauvet (Haïti, 1916 – États-Unis, 1973)
Notices des écrivaines qui font l’objet d’une lecture : Asli Erdogan, Maram al-Masri, Marie Vieux-Chauvet, Monique Bosco, Leanne Betasamosake Simpson, Toni Morrison, Tanella Boni, Marianne Cohn.
Biographies
Romancière, journaliste, militante pour les droits humains, ceux des femmes en particulier, Aslı Erdoğan, est née en Turquie en 1967 de parents qui ont été détenus et torturés par les différents régimes turcs qui se sont succédé dans les années 1980 et 1990. Elle est elle-même arrêtée le 17 août 2016, incarcérée dans la prison Bakırköy d’Istanbul et libérée sous contrôle judiciaire le 29 décembre 2016, mais toujours inculpée de «propagande terroriste» et menacée de prison à perpétuité. Le PEN Club de Suède lui a remis en 2016 le prix Tucholsky, décerné aux auteurs qui luttent pour la paix et la liberté de la presse dans des conditions difficiles. Depuis 2017, elle vit à Francfort-sur-le-Main en Allemagne. Aslı Erdoğan reçoit de nombreux prix de reconnaissance dont le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes 2018. Le 14 février 2020, un tribunal d’Istanbul acquitte la romancière turque des accusations de « tentative de porter atteinte à l’intégrité de l’État » et d’« appartenance à un groupe terroriste », et ordonne l’abandon des poursuites pour « propagande terroriste». Son dernier titre traduit en français paru en 2020, Requiem pour une ville perdue.
Maram al-Masri, née en Syrie en 1962. Elle entreprend des études à Damas, avant de s’exiler à Paris où elle connaît une situation difficile. En 2003, Cerise rouge sur un carrelage blanc la révèle au public francophone. Quatre ans plus tard, elle obtient le prix de poésie de la SGDL pour Je te regarde, avant de publier Je te menace d’une colombe blanche aux éditions Seghers. Sa poésie, saluée par la critique des pays arabes et traduite dans de nombreuses langues, fait d’elle une des grandes voix féminines du Moyen-Orient. Elle a publié plusieurs titres aux Éditions Bruno Doucey, dont Elle va nue la liberté en 2013 qui lui a mérité le Prix Antonio Viccaro et le prix Al Bayane. Son dernier recueil paraît en 2020, Métropoèmes.
Marie Vieux-Chauvet est née à Port-au-Prince en 1916 et décédée en 1973 à New-York. Femme de lettres, dramaturge et romancière, elle s’insurge contre les abus de tous genres dont sont victimes les femmes, les malheureux, les déshérités et tous les faibles. Elle publie plusieurs romans, tous dominés par la question de l’égalité et de la justice. En 1960, sous le régime dictatorial de François Duvalier, Marie Vieux-Chauvet écrit un nouveau roman, Amour, colère et folie dont elle envoie le manuscrit à Simone de Beauvoir qui soutient sa publication aux éditions Gallimard en 1968. Peu de temps après la publication de cet ouvrage, elle se voit contrainte d’en interdire la diffusion sous la menace duvaliériste qui pèse sur elle, sa famille et ses proches. À la suite de cette interdiction et des risques pour sa vie et celle des siens, Marie Vieux-Chauvet s’exile à New York. Là, elle écrit un dernier roman, Les Rapaces publié en 1971.
Monique Bosco (Vienne 1927- Montréal 2007) quittera Vienne à l’âge de quatre ans, avec ses parents, se retrouvera à Paris, puis à Saint-Brieuc; sera cachée à Marseille pendant la guerre; immigrera à Montréal en 1948, où elle étudiera, enseignera, écrira… une œuvre dense, récompensée par le prix Athanase-David, et dont plusieurs textes seront marqués par l’exil. «Fragments du Kaddish de l’orpheline» extrait de Miserere, est de ceux-là. Un bel ouvrage collectif, Avec Monique Bosco, paru en 2017 chez Médiaspaul, codirigé par Nadine Ltaif et Claire Varin, lui est dédié.
Écrivaine, professeure, et musicienne, membre de la communauté Michi Saagiig Nishnaabeg, Leanne Betasamosake Simpson est l’une des figures de proue du mouvement de la résurgence autochtone au Canada. Elle se distingue comme étant l’auteure de plusieurs ouvrages et articles sur les questions autochtones au Canada ainsi que pour sa participation au mouvement Idle No more. Deux titres sont parus en français chez Mémoire d’encrier, Cartographie de l’amour décolonial paru en 2018 et On se perd toujours par accident en 2020. Elle explore dans ses textes l’existence actuelle des peuples et collectivités autochtones, en particulier celle de sa propre nation nishnaabeg. Ses personnages s’efforcent de réconcilier leur désir de vivre une vie pleine de tendresse avec le combat qu’ils livrent quotidiennement pour survivre aux injustices passées et présentes causées par le racisme et le colonialisme.
Toni Morrison est née en 1931 à Lorain dans l’Ohio et décédée à New York en 2019. Elle fut romancière, essayiste, critique littéraire, dramaturge, librettiste, professeure de littérature et éditrice américaine. Après des études de lettres et une thèse sur le thème du suicide dans l’œuvre de William Faulkner et Virginia Woolf, elle devient professeur aux universités de Texas Southern, Howard, Yale et Princeton et éditrice chez Random House. Elle est lauréate du prix Pulitzer en 1988 et du prix Nobel de littérature en 1993. Descendante d’une famille d’esclaves, elle est connue pour avoir donné une visibilité littéraire aux Noirs et s’être imposée comme un phare de la culture afro-américaine. Elle a été membre du PEN America et vice-présidente du PEN International en 2006. En 2016, on lui décernait le PEN/Saul Below pour sa contribution à la littérature américaine. Beloved est l’un de ses titres les plus connus.
Tanella Boni est née à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en 1954. Écrivaine, philosophe et professeure de philosophie à l’Université Félix-Houphouët-Boigny à Abidjan, elle est poète, romancière, nouvelliste, essayiste, critique littéraire et critique d’art. Elle écrit également des livres pour enfants. Ses poèmes et ses essais philosophiques portent notamment sur la manière dont les femmes et les hommes peuvent vivre « en humains » et conserver leur dignité face à la violence. Son ouvrage Que vivent les femmes d’Afrique ? publié en 2008 s’intéresse à la place des femmes en Afrique, au féminisme et aux stratégies de résistance et de révolte féminines. Elle est considérée comme l’une des voix féminines majeures de la littérature africaine. Son recueil Là où il fait si clair en moi a été publié aux Éditions Bruno Doucey en mars 2017.
Marianne Cohn est une résistante allemande, née en 1922 à Mannheim et morte assassinée en 1944 en Haute-Savoie. Elle est l’aînée d’un couple d’intellectuels allemands d’ascendance juive, mais détachés de la religion israélite et peu liés à la communauté juive d’Allemagne. Alfred Cohn (1892-1954), le père de Marianne Cohn, est un ami d’école de Walter Benjamin. Elle sauve de la déportation plusieurs centaines d’enfants en les faisant passer clandestinement en Suisse. Un poème de Marianne, retrouvé dans la poche de l’un d’entre eux, constitue son seul témoignage des atrocités perpétrées par les nazis, des souffrances endurées pour ne pas trahir. «Je trahirai demain» dit-elle dans cette ode à la liberté. Elle sera assassinée par ses tortionnaires le 8 juillet 1944, en Haute-Savoie, à quelques jours de la libération. Bruno Doucey lui rend hommage dans un texte paru en 2014, Si tu parles, Marianne.
