Le Service québécois du livre adapté
Céline Fernandes

Le 8 octobre 2019, j’ai eu le plaisir de rencontrer Mme Chafika Hamdad, bibliothécaire coordonnatrice au sein du Service québécois du livre adapté (SQLA), de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Celle-ci a pris le temps de me faire connaître plus en profondeur ce service. Ce fut une expérience très enrichissante et j’ai été ravie d’avoir la chance de découvrir l’envers du décor, mais aussi de pouvoir mesurer l’ampleur du travail accompli en coulisses par l’équipe du SQLA. Aujourd’hui, j’aimerais à mon tour, vous entretenir de cette initiative qui a encore de beaux jours devant elle.
Petit tour de piste : Histoire et missions
Depuis 2001, BAnQ offre à ses usagers vivant avec une déficience perceptuelle, dans ses locaux, un service adapté et surtout unifié, sans équivalent ailleurs au Québec : le Service québécois du livre adapté.
Ce service est le fruit d’une entente, entre
l’Institut Nazareth et Louis-Braille (INLB), la Magnétothèque et la
Bibliothèque nationale du Québec. La création du SQLA résulte d’un long travail
de concertation impliquant, en plus des entités précédemment citées, le
Ministère de la Culture et des communications ainsi que le Regroupement des
aveugles et amblyopes du Québec (RAAQ) et l’Association québécoise des parents
d’enfants handicapés visuels (AQPEHV). Depuis 2005, le service est entièrement
intégré à la Grande Bibliothèque.
Parmi les associations ayant permis au service de se développer et de devenir
ce qu’il est maintenant, quelques-unes continuent de s’impliquer, aujourd’hui
encore, de différentes façons, chacune à sa manière.
Le Service québécois du livre adapté, tout comme BAnQ, a été conçu pour être profondément accessible et inclusif. En effet, depuis les portillons d’entrée de la Grande Bibliothèque, un chemin podotactile mène au comptoir d’informations, un ascenseur permet aux personnes à mobilité réduite de rejoindre les différents niveaux, le catalogue en ligne du SQLA est accessible aux personnes handicapées visuelles utilisant des aides techniques et enfin, un débarcadère sur la rue de Maisonneuve, devant la Grande Bibliothèque est prévu pour les personnes utilisant le transport adapté. De même, grâce aux nouvelles règles de gouvernance mises en place en 2016[1], le comité des usagers de BAnQ compte désormais parmi ses membres deux personnes en situation de handicap, qui veillent à ce que chaque initiative soit pensée pour satisfaire et répondre aux besoins de tous. C’est en pensant en amont et en ayant une vision inclusive que le service a su évoluer pour arriver à ce qu’il est aujourd’hui et c’est en continuant de faire siens ces principes qu’il regarde vers l’avenir.
Le SQLA dans les détails
Le SQLA offre à ses usagers de nombreuses possibilités. D’abord, comme dans toute bibliothèque, ceux-ci peuvent consulter et emprunter des documents. Mais ils peuvent aussi profiter des équipements adaptés mis à leur disposition. De plus, dans le confort de leur foyer, ils peuvent avoir recours aux services en ligne, consulter le catalogue et télécharger des documents compatibles avec leurs différents appareils de lecture (documents aux formats multiples, adaptés aux normes comme le format DAISY[2]). En effet, malgré une présence physique au sein même de la bibliothèque, le SQLA reste un service auquel les usagers ont recours à distance en grande majorité.
Les abonnés du service peuvent se prévaloir d’un service téléphonique dédié, 7 jours sur 7. Ils ont ainsi la possibilité de s’inscrire directement à la bibliothèque, de créer leur profil de lecteur, d’effectuer des emprunts et de recevoir à domicile les documents présélectionnés en fonction de leurs affinités littéraires, le tout fait au téléphone !
Par ailleurs, il est intéressant de souligner que depuis l’intégration du SQLA comme service à part entière de BAnQ, en 2005, les abonnés du service peuvent désormais se faire envoyer et rendre gratuitement les documents qu’ils souhaitent emprunter, et cela dans toute la province de Québec. Ainsi, chaque jour, Postes Canada vient récupérer les livres à expédier suivant les envois préparés par l’équipe des commis et rapporte les ouvrages empruntés. Au total, c’est près de 130 000 documents numériques et CDs, ainsi que 10 000 documents en braille qui sont empruntés par voie postale parmi les 21 000 titres proposés à l’emprunt, à ce jour. Si l’on peut affirmer que la plupart des abonnés venant à la bibliothèque viennent majoritairement de Montréal et du Grand Montréal, la répartition des abonnés ayant recours au service en ligne est relativement équilibré dans l’ensemble du Québec. De plus, il faut préciser que le prêt à des Canadiens hors Québec est rendu possible, notamment grâce au partenariat entre le SQLA et son homologue torontois, tandis que les prêts institutionnels, eux, le sont grâce aux prêts entre bibliothèques.
Par ailleurs, comme toutes les bibliothèques, les acquisitions de nouveaux titres sont faites en adéquation avec la politique de développement des collections et selon des critères bien précis. Cependant, dans le cas des livres adaptés, les critères spécifiques à l’adaptabilité ainsi que les besoins collectifs sont pris en compte afin de satisfaire au mieux les besoins de tout un chacun. Ainsi, les livres sont sélectionnés par les bibliothécaires de BAnQ et sont ensuite transcrits en braille ou enregistrés en format audio, par des fournisseurs externes, car tous les titres sont produits sur demande.
Durant notre conversation, Mme Hamdad a souligné le fait que le nombre de titres disponibles est bien plus faible dès lors que l’on parle de livres adaptés et cela pour plusieurs raisons (coûts de productions, multiplicité des supports, etc.). Cependant, il est important de préciser que les lois œuvrant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture aux textes imprimés et autres œuvres publiées (comme le stipule le traité de Marrakech, ratifié par l’OMPI en 2013[3]) sont un progrès et permettent peu à peu de faire tomber les frontières pour que de plus en plus de textes soient accessibles à tous, ce qui représente une avancée significative en la matière.
L’inclusion, parlons-en !
Les usagers de la bibliothèque et du SQLA proviennent de différents horizons et ont chacun leur propre histoire. Certains vivent avec une déficience depuis leur naissance quand d’autres l’ont été sur le tard. Certains sont des inconditionnels du braille, quand d’autre préfèrent l’audio… Mais au SQLA y a de tout et pour tous !
Ainsi, il est intéressant de mentionner que le service n’est pas destiné qu’aux adultes ayant une déficience perceptuelle, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Le catalogue des ouvrages propose un fond varié, y compris en matière d’ouvrages pour la jeunesse. Les livres sont d’ailleurs souvent empruntés par les familles afin de partager avec les plus jeunes le plaisir de la lecture et ses bienfaits. Il existe de très beaux ouvrages faisant appels aux différents sens de l’enfant comme le toucher, le son, etc. Certaines maisons d’édition, comme la maison Les doigts qui rêvent[4], font un travail formidable en ce sens.
Dans cette même optique d’inclusion, depuis les années 2010 le service a élargi ses critères afin d’inclure les personnes ayant des troubles de l’apprentissage, en raison de la demande qui se faisait de plus en plus importante. J’ai d’ailleurs été surprise d’apprendre que les personnes ayant des troubles de l’apprentissage représentaient une part non-négligeable du public fréquentant le SQLA, soit entre 2500 à 3000 personnes sur un total d’environ 7300 abonnés. Ces statistiques prouvent le bien-fondé de la démarche d’ouverture du SQLA et il est agréable de penser à tous ces gens qui peuvent désormais en profiter !
Le mot de la fin
Aujourd’hui l’accessibilité fait l’objet d’une réelle prise de conscience de la part notre société, et il faut s’en réjouir. Nous pouvons rêver d’un monde parfait où chacun aurait les mêmes droits et les même privilèges, un bel idéal en somme ! Et même s’il y a encore du travail à faire, il est important de souligner les initiatives inspirantes comme celle dont je viens de vous entretenir.
Ce sont donc sur ces dernières notes que je vais vous quitter. J’aurais encore beaucoup de choses à dire sur le SQLA, mais je m’arrêterai là, format blogue oblige…
Je vous invite néanmoins à consulter les liens suivants si le sujet vous intéresse. Aussi, n’hésitez pas : quand vous passerez à BANQ, faites un tour auprès du SQLA !
Merci aux trois techniciens téléphoniques, aux deux bibliothécaires, aux cinq commis à la circulation des ouvrages ainsi qu’au chef de service qui m’ont permis de visiter le service et ont rendu possible l’écriture de cet article. Je tiens à remercier tout particulièrement Mme Chafika Hamdad pour son accueil et sa bienveillance.
Services adaptés
Grande bibliothèque
Bibliothèques et archives nationales du Québec
475, boulevard De Maisonneuve Est
Montréal, QC, H2L 5C4
Métro: Berri-UQAM
Autobus: 30, 15 ou 125
Stationnement intérieur payant (entrée rue Berri)
Téléphone: 514 873-4454 ou 1 866 410–0844 (sans frais)
Télécopieur: 514 873-9947
Courriel: sqla@banq.qc.ca
Pour aller plus loin:
SQLA: http://www.banq.qc.ca/sqla/
l’Institut Nazareth et Louis-Braille (INLB) : http://www.inlb.qc.ca
La magnétothèque (aujourd’hui devenu Vues et Voix): https://www.vuesetvoix.com
Le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec (RAAQ): https://raaq.qc.ca
L’Association québécoise des parents d’enfants handicapés visuels (AQPEHV): https://www.aqpehv.qc.ca
Autres sites: http://www.banq.qc.ca/sqla/autres_sites/
[1] Extrait des règles de gouvernance et de régie
interne de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, modifiées le 28 juin
2017 (RÉS CA-2017-19); adoptées le 22 juin 2016 (RÉS CA-2016-19), section 5.D
: Comité des usagers, alinéa 5.9
http://www.banq.qc.ca/documents/nouvelles/2017/BAnQ_Extrait_Regles_gouvernance_regie_interne_5D.pdf
[2] Le format DAISY, est l’un des formats les plus polyvalent car il permet une lecture sur différents types appareils (synthèse vocale, plage tactile en braille, etc.) et est plus compact, ce qui le rend plus simple à retranscrire sur CD.
[3] Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, 2013
[4] Les doigts qui rêvent – Catalogue. http://ldqr.org/catalogue.php