
J’ai eu le plaisir d’enseigner à New York les œuvres d’Aimé Césaire, de Maryse Condé, de Patrick Chamoiseau et d’Édouard Glissant, mais rarement, ai-je eu le plaisir de voir leurs pièces de théâtre représentées sur scène. Quant à la nouvelle génération d’auteurs dramatiques des Caraïbes, elle demeure encore peu connue sur le continent nord-américain. Il est donc essentiel de les faire découvrir en français, et en anglais.
Dans le cadre du projet ACT /Actions Caribéennes Théâtrales, le Martin E. Segal Theatre Center de New York vient de présenter six pièces dont Le jour où mon père m’a tué, coécrite par Charlotte Boimare et Magali Solignat, mise en scène de Florent Masse.
L’objectif d’ACT est de faire connaître ce théâtre des Caraïbes par le biais de traductions en anglais et de lectures sur scène.
Le jour où mon père m’a tué est inspiré d’un drame qui s’est produit en Guadeloupe en 2013.
La pièce retrace l’histoire de Roméo dit Black Bird qui, à dix-huit ans, décide de vivre chez son père et de le confronter à son rôle de père qu’il n’a jamais assumé. Deux hommes qui ne se comprennent pas. Deux hommes qui s’affrontent. Une dispute qui dégénère. Le père tue le fils.
Le défilé des témoins au tribunal apporte une palette de voix discordantes. Une meute qui se délecte dans les potins, appâtée par l’odeur du mal, tantôt s’enfonçant dans le mutisme, tantôt déformant le réel à l’envi pour défendre l’indéfendable. Les médias s’emparent de l’affaire pour en faire leurs choux gras.
Avec Le jour où mon père m’a tué, dans une langue incisive et ironique, Magali Solignat et Charlotte Boimare braquent les projecteurs sur une société déchirée par la violence, une société qui abandonne un enfant sans repères, un enfant qui ne veut que la connaissance, la reconnaissance de son père, être connu et reconnu.
Comme le Blackbird des Beatles, il attendait au plus profond de la nuit, il attendait seulement ce moment pour prendre son essor. Plus que tout, il aurait voulu « rencontrer » son père.
Blackbird singing in the dead of night […] You were only waiting for this moment to arise.
– Annie Heminway